Farfouillage...

samedi 6 août 2016

Quand j'étais drôle (i.e. pas aujourd'hui mon vieux)

Titre : Quand j'étais drôle
Auteur : Karine Tuil

Éditions Grasset, 2005 (315 pages)

À la question : "Quel pourrait être l'avenir d'un comique français paranoïaque et sans emploi, accompagné d'un chien névrosé et d'une ancienne communiste, dans un pays en croisade contre le Mal ?", Jérémy Sandre, dit Jerry Sanders à la scène, pourrait répondre sans se tromper : aucun. Bien qu'affabulateur, mauvais fils, piètre père, séducteur lâche, comique malgré lui, joueur de cartes compulsif, humouriste français exilé à New York en pleine francophobie, Jerry est lucide. S'il n'a pas d'avenir, autant s'en inventer un, glorieux. À sa famille, ce naufrage existentiel va mentir. À la société, cet asocial va prétendre dicter sa loi. Celle du plus faible ? Il préfère en rire, mais avec des larmes. Comme nous, d'ailleurs, à la lecture de ce roman ambitieux et drôle, magistralement mené.

Autant vous prévenir : pour un livre qui m'a été offert comme "drôle", je pense avoir un peu trop pleuré. En effet, un artiste en pleine crise existentielle doublée d'angoisses et dépressions nerveuses, je n'ai jamais rien trouvé plus dépriment. Et c'est d'ailleurs par sa vocation "humouristique" que c'en est touchant : imaginez un homme rire avec des larmes dans les yeux.

Ce Jérémy, je ne l'ai pas aimé du premier coup. Je ne savais pas trop comment l'apprécier ou par quel bout l'amadouer, et c'est au fil des pages et de ses confessions autobiographiques qu'il a su me bouleverser. Lui et ses amours déçus ; lui, l'abandonné, la victime de lui-même. Sous ses allures de clown triste, mauvais père malgré lui, qui préfère les femmes de son frète aux siennes. C'est un personnage comme je les aime : ni tout noir, ni tout blanc ; très nuancé et touchant. Comme il sait si bien le répéter "Je ne comprends pas pourquoi ils l'enfermaient puisque je n'étais véritablement dangereux que pour moi-même." Sur ce point deux citations sont remontés de ma lecture :

"La mort, la mort, il n'a que ce mot-là à la bouche ! Pourvu que j'aie encore un peu d'humour, je la hâterais moi-même à la manière de Romain Gary : "Je me suis bien amusé, au revoir et merci.""

"Assis au côté de mon père, j'ai pensé : voilà, je flotte dans les airs comme dans le ventre de ma mère, au-dessus de l'Atlantique, à mi-chemin entre la France et les États-Unis, dans ce no man's land qu'est désormais ma vie - un terrain neutre, inhabité, peuplé de silhouettes chimériques et de rêves improbables, une terre stérile, insonorisée où ne résonnaient plus ni les rires ni les cris et où coulaient les larmes, non pas les miennes, j'avais renoncé à m'apitoyer sur mon sort, mais celles de mon père puisque j'avais exterminé ses rêves et désirs, j'avais craché sur son terreau infertile et rien n'avait poussé -"

Voilà qui est, je trouve, très dur. Et c'est ce qui m'a plu dans ce roman : la plume directe de l'auteur, sans tabou et sans broderie ; un récit magnifique et très sombre avec des personnages à la Donna Tartt tous très intéressants. Pas une longueur, je l'ai commencé ce matin et l'ai terminé dans l'après-midi, quelques heures de pur joie littéraire qui a su m'arracher des larmes - oh ! tiens mais c'est un coup de coeur !

C'est sur ce roman que s'achève mon French Read-a-thon Challenge 2016. J'ai lu en tout quatre livres dans cet ordre :

- Danse Macabre de Stephen King (livre de plus de 300 pages)
- Alex de Pierre LeMaître (auteur avec le même initiale que moi)
- La vie c'est bien le cynisme c'est mieux de l'Odieux Connard (livre bleu)
- Quand j'étais drôle de Karine Tuil (dernier achat)

Oui, certains livres ont été changés mais shuuuuut l'important c'est que j'en ai lu quatre et respecté les catégories, pas vrai ?

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